Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement
16 | 2012 : Région, régionalisation, régionalisme Articles
Régions, néo-régionalisme, quels enjeux pour la géographie ? Le cas italien
DOMINIQUE RIVIÈRE p. 57-70
Résumé
L’Europe connaît le développement d’un néo-régionalisme défendant les intérêts de régions riches, dont l’Italie, avec sa « question septentrionale », est un cas exemplaire.
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Ce phénomène pose un réel problème à la géographie en tant que discipline scientifique. En effet, d’une part, il participe d’une mutation régionale voire fédérale du pays, processus doté de sa propre géographie, fondée en large part sur des rétroactions entre les briques de base du processus institutionnel que sont les régions institutionnelles, les clivages de développement interrégionaux Nord-Sud et la géographie électorale d’un parti politique comme la Ligue du Nord. D’autre part, si ce néo-régionalisme de régions riches pose problème à la géographie, c’est aussi parce que le référentiel territorial qu’il mobilise –la « Padanie », mais aussi le Nord, etc.- soulève des risques d’instrumentalisation de la discipline. La géographie peut apporter néanmoins sa contribution aux débats soulevés par ce phénomène, que ce soit à travers la mobilisation de problématiques classiques de cette discipline, touchant à l’organisation et au découpage des territoires, ou à travers sa capacité à penser les nouvelles articulations d’échelles du local au global. En ce sens, la « question régionale » est donc aussi porteuse d’un certain renouvellement pour la géographie régionale, et d’un dialogue avec d’autres sciences sociales et politiques.
Entrées d’index
Mots-clés : néo-régionalisme, géographie régionale, régionalisation, Italie
Texte intégral
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Le développement d’un néo-régionalisme défendant les intérêts des régions riches est un phénomène actif en Europe : la Belgique, l’Italie, à certains égards l’Espagne, l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni... en sont des exemples. Il peut se résumer par un changement de paradigme. Le régionalisme1 des Trente Glorieuses, tel qu’il se présentait dans divers pays européens, se fondait le plus souvent sur des demandes de reconnaissance à base culturelle, fréquemment associées à des situations de relative marginalité socio-économique. Dans un contexte alors centralisé, il s’accommodait d’une redistribution étatique, celle-ci étant vue comme une forme de rachat par l’État de ses responsabilités dans le mal développement régional. La nouveauté des années 1990 et 2000 est l’émergence, dans un contexte cette fois de décentralisation de l’État, d’un régionalisme dont la base est au contraire la valorisation des intérêts de régions riches ou en rapide développement. La dimension culturelle, sans être absente (en soi, elle a plutôt tendance à se développer) y est souvent au second plan derrière un argumentaire prosaïque –» qui paye pour qui », « à qui profite l’impôt »- remettant cette fois en
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cause, de façon plus ou moins frontale, le bien-fondé même de la redistribution étatique interrégionale, souvent présentée comme un assistanat, dans un contexte global de retrait du pouvoir central. Même si bien sûr ce schéma général doit être nuancé et si des continuités peuvent apparaître entre ces deux phases, la crise belge par exemple est un symbole d’une évolution qui débouche ici sur une crise de l’Etat nation.
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À un moindre degré, l’Italie, avec ce qu’il est convenu d’appeler la « question septentrionale », en est elle aussi un exemple. Alors qu’elle a fêté en 2011 son cent-cinquantenaire, la péninsule connaît une situation paradoxale : l’unité nationale, sans être comme en Belgique l’objet d’une crise ouverte, alimente néanmoins des polémiques qui servent de toile de fond à la mutation institutionnelle du pays dans un sens régional voire fédéral. Celle-ci peut-elle être une forme d’accomplissement d’une unification souvent considérée comme inachevée, comme voulait l’être aussi, initialement au moins, la reconnaissance des Communautés autonomes dans le modèle espagnol post-franquiste ? Ou bien, plus radicalement, l’Etat nation risque-t-il d’être déconstruit par l’affirmation du pouvoir régional ? Ce sont là des questions récurrentes et qui incontestablement sont ancrées dans le nord du pays, sa partie la plus riche. Un parti au nom significatif, la Ligue du Nord, en est devenu l’emblème, mais au-delà, c’est la tonalité générale des débats, un certain « air du temps », qui les incarnent. Le mot de sécession n’est pas à l’ordre du jour aujourd’hui comme il avait pu l’être dans certains argumentaires de la Ligue des années 1990, mais il hante la régionalisation, contribue à brouiller l’appréhension de ses enjeux institutionnels et des dynamiques territoriales. Comme l’écrit le politologue G. Fedel « les gens en parlent, le thème (...) est présent dans les reportages et les débats à la télévision, dans les nouvelles du jour, quand l’invasion des symboles léguistes se fait sentir, dans les commentaires des leaders d’opinion. Et pourtant, nous n’en savons peu ou rien : le problème est seulement mentionné ou bien il donne lieu à des représentations émotives, mais il n’est pas discuté. Et ce pour un motif évident : la sécession et la Padanie ne se réfèrent pas à des faits mais à des projets ou à des états d’âme, et c’est une matière sur laquelle il est difficile de raisonner2 ». Le contexte national de crise économique et politique -voire morale, lors de la longue agonie du gouvernement Berlusconi - interviennent aussi dans ces « états d’âme ».
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Or cette situation pose un vrai problème aux sciences sociales : lorsque l’on évoque l’articulation région/nation/grands ensembles (le Nord, le Sud...), comment et à quel titre faut-il prendre en compte le discours de la Ligue du Nord ? Ou faut-il délibérément ignorer sa lecture des faits – à côté des outrances de son discours anti-méridionaliste, ce mouvement s’est aussi fait connaître par ses positions xénophobes ? Le phénomène de territorialisation dont la Ligue, comme d’autres forces politiques en Europe, est porteur, pose en somme aujourd’hui question à la géographie, et en particulier à la géographie régionale. Question de la place d’argumentaires de type géographique dans la construction d’une légitimité pour ces mouvements. Question plus large de la distinction nation région alors que l’Europe a connu depuis la chute du mur de Berlin d’importantes mutations de ses frontières (Foucher, 2007), posant en des termes nouveaux les interactions entre échelles nationale, sub-nationale et supranationale.
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Si les risques d’instrumentalisation de la discipline sont patents, à l’inverse, le
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point de vue des géographes sur des questions touchant à l’identité territoriale, la régionalisation et ses enjeux pour la cohésion nationale... peut aussi être utile. À cet égard, il est révélateur que la Société italienne de Géographie ait consacré en 2010 son rapport annuel au thème : Le Nord, les Nord, géopolitique de la question septentrionale.
1. Une régionalisation sur fond de crise de la solidarité nord-sud
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« Les Padans, ce sont des gens qui produisent, qui payent les impôts et font tenir debout la baraque ». Umberto Bossi, chef de la Ligue du Nord, La Repubblica, 22 juin 20103
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Avant d’entrer dans les problématiques territoriales mobilisées par ce néo- régionalisme, il importe de brosser les éléments structurants de la régionalisation italienne, telle qu’elle se présente depuis deux décennies, car c’est dans ce cadre institutionnel et politique que se pose la « question septentrionale » et c’est lui qui en définit la portée pour les Italiens. S’il faut s’arrêter sur ce cadre, c’est aussi parce qu’il interpelle la géographie : la régionalisation renvoie en effet ici au jeu combiné d’au moins trois éléments à forte dimension territoriale, que sont les régions institutionnelles, les clivages économiques régionaux, et enfin le rôle spécifique d’un parti comme la Ligue du Nord.
1.1. La régionalisation...
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Si on considère d’abord la régionalisation en tant que processus institutionnel, c’est d’abord, avant une hypothétique Padanie, la maille administrative régionale qui en est la brique de base, brique chargée d’une certaine ambivalence : comme c’est le cas dans de nombreux pays d’Europe de l’Ouest4, le processus de régionalisation italien articule en effet des « contenants », des mailles pour la plupart anciennes et relativement fixes, et un « contenu » qui est quant à lui engagé dans un processus d’évolution permanente depuis le lancement du processus actuel au début des années 1990. Dans le cas de l’Italie, ces briques de base, contrairement à ce qui se passe en Belgique, ne recoupent pas directement les grands clivages démographiques et économiques mais se nouent sur 20 unités hétéroclites en taille, qui vont des 9,8 millions d’habitants de la Lombardie – huit régions dépassent les 4 millions d’habitants – jusqu’aux 124 000 habitants du Val d’Aoste. Pour l’essentiel, elles remontent à l’Unité italienne. Outre quelques changements de limites liés à la création de nouvelles provinces en particulier sous le fascisme, les changements majeurs ont concerné l’individualisation de régions et provinces à statut spécial du Nord (Val d’Aoste, Trentin-Haut-Adige, Frioul Vénétie Julienne) dans l’immédiat après-guerre, sur la base de questions linguistiques, ainsi que la région Molise, formée en 1963.
Figure 1 : la question régionale italienne (mailles, PIB/hab., vote Ligue du Nord, usages linguistiques)
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Source : ISTAT 2007, 2011. © Rivière D.
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Quant au contenu de ces mailles, il renvoie à la question de la régionalisation, ou, pour employer l’expression couramment utilisée en Italie, du fédéralisme5 qui – avec d’autres thèmes comme l’équilibre Parlement /pouvoir exécutif, la question électorale... – domine le débat sur la forme de l’État depuis deux décennies. Ce processus se déploie à partir d’un héritage déjà important, mais souvent considéré comme « une régionalisation inachevée » (Mazzega, Musitelli, 1980), celui de la Constitution de 1948. À mi-chemin entre le modèle centralisé à
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la française et le modèle fédéral à l’allemande, celle-ci attribuait déjà aux régions un pouvoir législatif, mais leur champ de compétence était restreint. En vertu de ce premier jalon (Fig. 1a) les régions se partagent, encore aujourd’hui, entre régions ordinaires ou à statut spécial : dans les faits les premières (85 % de la population) ne fonctionnèrent qu’à partir des années 1970, contrairement aux secondes mises en place dès l’après-guerre. La phase actuelle de la régionalisation, lancée au début des années 1990, a réduit les différences entre elles, puisque l’ensemble de la maille régionale voit son contenu renforcé.
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Point important, c’est dans une crise frontale de l’État, mais pas forcément de la nation elle-même, initialement au moins, que ce processus s’enracine : en effet, il est mis en chantier en large part par l’opération Mains propres de 1992. L’émergence des Régions comme sujets politiques forts en est une composante notable, avec l’élection directe des gouverneurs régionaux à partir de 1999. La réforme constitutionnelle de 2001, suivant une impulsion donnée dès les années 1990, transfère une grande partie des pouvoirs de l’État : par exemple la santé, le patrimoine (sa conservation relève de l’État, sa valorisation relève de la région), etc. Dans le même temps, comme dans d’autres pays en décentralisation, le partenariat, devenu la règle de l’action publique, suscite à son tour en permanence l’invention de nouvelles formes de gouvernance entre État, régions et niveaux infrarégionaux, dans une sorte de « désordre créatif » (Coppola, 2003) à géométrie variable et souvent conflictuel.
1.2... sur fond d’inégalités de richesse Nord- Sud
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La seconde caractéristique de la régionalisation italienne est l’importance des disparités régionales de développement dans ce processus. Certes par définition, la question financière et celle de la solidarité interrégionale sont des composantes de tout débat sur la décentralisation car, dès lors que celle-ci s’engage, un nouvel équilibre doit être défini entre autonomie et péréquation. Or le contexte italien est marqué par des disparités de 1 à 2 entre la Campanie et la Lombardie pour le PIB par habitant. Plus encore que cet écart (il est plus marqué entre Paris et la Corse) c’est, comme pour l’Allemagne, la géographie des disparités qui pose problème, avec une disposition par blocs, le Sud d’un côté et le Nord de l’autre (fig. 1b). Certes, ce dualisme Nord-Sud n’est pas unilatéral – en matière d’éducation par exemple, les écarts sont limités – mais il se retrouve dans de nombreux indicateurs socio-économiques (Bergeron, 2009). Point important, il touche aussi à l’essence même de la chose publique, que ce soit à travers l’échec de l’État – aujourd’hui aussi des régions – à combler le « retard » du Sud, ou la façon dont la criminalité organisée a perverti une partie de l’action publique en faveur du Sud6. Le clivage Nord-Sud est donc en soi, indépendamment de l’existence de la Ligue du Nord, une donne incontournable de la régionalisation italienne, et ce, de façon encore plus prononcée qu’en Belgique : par exemple, pour le PIB par habitant, le rapport est « seulement » de 1 à 1,4 entre la Wallonie et la Flandre... Pourtant, on relèvera d’emblée que la crise régionale italienne reste plus contenue que la crise belge, ce qui montre qu’il faut se garder de tout déterminisme : les disparités de richesse sont certes un élément majeur du néo-régionalisme en Europe, elles n’en
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sont pas le déterminant unique (Rivière, 1998).
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Reste que la question des inégalités de richesse et, en corollaire, celle du financement des régions, tiennent une place inusitée dans les débats. À un niveau général, alors que la Constitution de 1948 écrêtait globalement les écarts interrégionaux de richesse, l’essentiel des ressources régionales dépendant de l’État, diverses réformes tendent à faire basculer l’Italie vers un système fondé sur davantage d’autonomie fiscale. Comme le résumait abruptement R. Calderoli, porteur, pour la Ligue, de la réforme de 2009, la philosophie de celle-ci est de « détruire ce système de finance dérivée, dans lequel l’argent des taxes locales va d’abord à Rome, obligeant les maires à aller mendier un chapeau à la main »7. Si cette loi est appliquée, les régions disposeraient de la coparticipation, c’est-à-dire du reversement d'une partie des impôts nationaux perçus sur leur territoire, pour financer en particulier l'éducation, l'assistance et la santé, ce qui pose en des termes nouveaux le principe de la solidarité entre régions riches et pauvres. En contrepoint, comme dans tout système de ce type, le principe d’un fonds de péréquation est posé, mais tout dépendra de quelle en sera la dotation. Une autre question majeure est celle des « standards » qui, au bout du compte, définissent l’appartenance nationale. La réforme de 2009, en effet, répartit ce qui reste des transferts de l’État en fonction de « coûts standards » des prestations, tenant compte du nombre de personnes âgées par région etc. à substituer aux dépenses « historiques » (antérieures) des régions. Or le résultat sera bien différent selon que l’on se fonde sur les besoins ou sur les coûts estimés d’un service donné pour estimer ces standards : « la question est de savoir si on veut continuer à accorder des conditions de parité relative à tous les citoyens de la République ou bien est- ce qu’on veut différencier la fourniture des services sur la base du revenu moyen des habitants de chaque région » (Rapport SVIMEZ, 2009 : 202). On touche ici à une notion essentielle qui rejoint au final l’idée même de cohésion territoriale (Baron et al., 2010).
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Au-delà de la question Nord Sud, cette importance des préoccupations financières se retrouve jusqu’à des niveaux locaux, et atteint des proportions parfois incongrues. Ainsi, en 2007, la région Vénétie s’étant plainte de demandes de sécession émanant de communes de sa périphérie, attirées par les avantages fiscaux des régions à statut spécial voisines, l’État a créé, pour pallier ce risque inédit d’évasion territoriale, un fonds spécial pour les aires désavantagées limitrophes des régions à statut spécial dont le but était d’éviter les risques de délitement lié aux problématiques fiscales. Certes, il reste symbolique (25 millions d’euros pour une centaine de communes) mais l’anecdote, parmi d’autres8, donne la tonalité d’un débat là encore surdéterminé par les questions d’intérêt financier.
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Leur rôle est évident aussi dans les rapports souvent houleux entre État et régions. En effet, comme dans d’autres pays européens, la succession de réformes que connaît l’Italie ne signifie nullement que l’État se soit retiré du jeu, mais plutôt qu’il est passé du rôle de pourvoyeur à celui de gendarme (Le Gales, 2003), et ce, en particulier, pour le respect du Pacte de stabilité. Ainsi, des coupes budgétaires ou des hausses d’impôt sont depuis plusieurs années déjà – et encore plus aujourd’hui – à prévoir pour les régions qui n’auraient pas réussi à « tenir » leur budget santé9. Là encore, la cohésion, l’idée même de justice spatiale (Reynaud, 1981) passent au second plan derrière les préoccupations comptables.
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1.3... et de l’essor de la Ligue du Nord
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Or, le troisième élément majeur de la question régionale italienne, celui qui donne le ton des débats, est sans aucun doute la Ligue du Nord. Elle n’est pas la seule force politique travaillée par les questions du fédéralisme et de la décentralisation, qui sont, comme en France, transversales aux partis. Mais le régionalisme fait partie des fondamentaux de la Ligue. Elle s’appuie en partie sur des arguments qu’on retrouve d’une façon générale à propos de la décentralisation, bien au-delà du néo-régionalisme : gains d’efficacité associés à une gestion locale, autonomie financière porteuse de davantage de responsabilité, etc. Mais la Ligue construit aussi ce régionalisme contre deux éléments : d’une part « l’État voleur », donc Rome, et d’autre part le Sud, volontiers décrit comme « pauvre assisté et mafieux ». À nouveau, on est ici dans une territorialité sommaire, redoutablement simple dans sa logique poujadiste.
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Formée en 1989 et grandie dans l’onde de choc de l’opération Mains propres, la Ligue a été à plusieurs reprises au pouvoir dans les années 1990 et 2000 et tient un rôle important dans la vie politique nationale, pas tant à cause de son poids intrinsèque qui connaît de nombreux à-coups et représente en général moins d’un dixième des votes (toutefois, si de 1999 à 2006, son poids est resté en deçà de 5 %, aux élections régionales de 2010 son score est monté à 12,7 %10), que parce qu’elle a su jouer de son rôle d’arbitre entre les deux grandes coalitions de centre-gauche et de centre-droit. Enfin, elle est elle-même très territorialisée : solidement implantée dans quelque 350 municipalités et une quinzaine de provinces, elle a empoché en 2010 la présidence de la région Vénétie et celle du Piémont – elle talonne le parti de Silvio Berlusconi en Lombardie. À ce point de vue, et avant même d’entrer dans les ressorts de cet ancrage électoral, force est d’en prendre acte car, comme le relève ironiquement le leader de la Ligue, Umberto Bossi, « la Padanie est tellement inexistante qu’elle nous a donné plus de voix qu’à tous les autres partis11 » : le propos doit évidemment être infirmé car, même en Vénétie, les deux-tiers de l’électorat tournent leurs suffrages vers d’autres forces. Il n’en reste pas moins que la géographie électorale est fondamentale car c’est dans sa configuration, à géométrie variable au gré des élections, bien plus que dans des contours qui seraient préfixés12, qu’il faut chercher une hypothétique Padanie (Tétard, 2011). Le noyau dur en est la Lombardie et la Vénétie, auxquelles s’ajoutent le Frioul Vénétie Julienne, la province de Trente et aujourd’hui le Piémont (Fig. 1c), mais il progresse aujourd’hui vers la Ligurie et l’Emilie- Romagne (13,6 % des voix). En Ombrie, en Toscane et dans les Marches, ses scores sont plus faibles et s’affaissent bien sûr à Rome et dans le Sud (où la Ligue a toutefois suscité l’émergence de ligues méridionales). Le cas du Piémont est symptomatique du caractère mouvant de ce Nord léguiste : c’est par le jeu du système majoritaire que la Ligue y a pris récemment la tête de la région, bien qu’elle ne compte « que » 16,7 % des voix, moins qu’en Lombardie (26,2 %).
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S’il est impossible d’ignorer la Ligue dans une lecture de la régionalisation, réciproquement, il faut s’en méfier car elle en offre une lecture facile, trop facile, par son ancrage géographique marqué par le « bon sens » biaisé qui sous-tend son discours - où il semble aller de soi que « la richesse produite doit aller d’abord à qui la produit » etc., dans une sorte de territorialisation à outrance. Quid alors de ces coûts et bénéfices par essence inscrits sur des temps longs qui font aussi une nation ? La Ligue véhicule la vision d’un Nord qui voudrait plus d’autonomie,
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d’un Sud plus étatiste, attaché aux subsides publics, mais le Sud est-il si attaché au parapluie de l’État ? D’ailleurs, peut-on encore parler du Nord ou du Sud de façon unitaire alors qu’en matière d’aménagement du territoire par exemple, on est amené aujourd’hui à parler des aménagements des territoires régionaux, tant là aussi la situation est différenciée ? Les rapports des régions à l’État sont également très divers : si les régions du Nord se sont parfois opposées à Rome à propos de leurs statuts, la région méridionale des Pouilles par exemple a été récemment à la tête de la contestation antinucléaire. En somme, en cette matière comme dans beaucoup d’autres, il faut, il faudrait, nuancer... Mais il est incontestablement devenu plus difficile de le faire face à la prégnance du discours léguiste et de son habileté à utiliser les médias.
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Par ailleurs, derrière l’outrance verbale volontiers utilisée par la Ligue, il ne faut pas exagérer l’aspect belliqueux du débat régional, l’Italie étant aussi en cette matière comme dans d’autres, le pays des compromis. Mais, ce ton général donné au fédéralisme ajouté à la complexité des questions institutionnelles, a aussi un effet lassant pour les Italiens eux-mêmes, puisqu’un tiers seulement d’entre eux se déplaça pour approuver la réforme constitutionnelle de 2001, ce qui invite à une certaine prudence dans l’interprétation du régionalisme dont ils feraient montre. Le discours de la Ligue masque aussi (et donc minore le développement) des formes de solidarité entre régions pauvres et riches, certes ténues mais réelles. À titre d’exemple, le Trentin a envoyé des secours aux Abruzzes après le tremblement de terre de 2009. Mais, elles sont pour l’heure peu lisibles ; en témoigne aussi dans les années 1990 l’échec de M. Cacciari, alors maire de Venise, à promouvoir un « fédéralisme solidaire ».
1.4. Les problématiques culturelles à la portion congrue
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« Ces messieurs de Rome qui envisagent de dépenser 250 millions pour ces quatre bouts de cailloux de Pompéi, quelle honte ! » Le gouverneur Zaia, région Vénétie, Corriere della Sera 9 novembre 2010.13.
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Jusqu’à quel point les problématiques culturelles jouent-elles un rôle dans ce processus, et réciproquement en quoi celui-ci remet-il ou non en cause l’italianité ? Il est difficile de répondre à cette question, tant les deux dernières décennies ont durci les débats sur les questions identitaires. Le nombre impressionnant d’ouvrages scientifiques consacrés à la question de l’identité nationale, de sa crise et/ou de sa résilience (Lazar, 2009, Delpirou, Mourlane, 2011) est en soi révélateur de la brèche qui s’est ouverte en ce domaine. Toutefois, si en Belgique, en Espagne, en Écosse... la dimension culturelle vient incontestablement appuyer, ou le cas échéant tempérer, les questions d’intérêt qui viennent d’être évoquées, dans le cas italien, la plupart des auteurs s’accordent sur le constat que, comparativement, elles jouent un rôle mineur et plus instrumental (Biorcio, 1997, Tétard, ibid.).
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Non qu’il faille négliger le caractère récent et à bien des égards inachevé de l’unité nationale et son caractère composite, dont témoignent les modalités des cérémonies du Cent-cinquantenaire, qui ont fait largement appel aux contributions régionales (c’était déjà le cas pour les célébrations antérieures). Par
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ailleurs, la trame des régions actuelles qui est, on vient de le voir, le support concret du fédéralisme, ne facilite guère une prise directe de celui-ci sur les héritages pré unitaires. En effet, d’une part la Padanie léguiste ne correspond pas à une quelconque unité géo-historique, d’autre part les mailles régionales ne sont pas elles non plus directement référées à l’histoire pré-unitaire, hormis quelques exceptions comme, en partie, la Vénétie. Et pour cause, il s’agissait précisément, lors de l’Unité, de rompre avec celle-ci : la toponymie des régions fut ancrée dans le lointain héritage de l’empire romain (Fig. 1a), utilisé, avec la musique, la langue et plus généralement la culture, comme ciment de l’italianité (Brice, 2010, Muscarà, 1968). Cette importance initiale du vecteur culturel donne d’ailleurs la mesure du caractère provocateur des vitupérations du gouverneur de Vénétie contre le symbole (ici doublement honni, à la fois national et méridional) qu’incarne parmi d'autres Pompéi.
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Un autre exemple de la complexité des problématiques culturelles italiennes est la richesse de langues que possède encore la péninsule : encore aujourd’hui, près d’un Italien sur deux pratique occasionnellement ou de façon courante une langue ou un dialecte régional (Istat, 2007, fig. 1c). Pour autant, si cette diversité est parfois mise au service d’un argumentaire de type padan ou sicilien, etc., elle l’est bien moins que dans d’autres problématiques régionaliste européennes (belge, espagnole, écossaise). Au-delà de la grande diversité des dialectes, la Ligue du Nord elle-même peine à dépasser des poncifs comme le caractère « laborieux » des gens du Nord, évoqué plus haut par U. Bossi pour définir une identité culturelle padane, préférant s’en prendre plus aisément à la présence d’enseignants méridionaux dans le Nord. Quoi qu’il en soit, le régionalisme de type culturel joue pour l’heure un rôle sensiblement plus faible qu’en 1948 dans la dynamique institutionnelle régionale, où il se place loin derrière les préoccupations fiscales et les régions à statut spécial voient parfois leurs « privilèges » fiscaux contestés.
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Finalement, le néo-régionalisme italien, voire plus généralement le processus de régionalisation que connaît ce pays, évoquent avant tout, si on les compare à d’autres processus à l’œuvre en Europe, une sorte de « nimbysme » (Bourdin, 2000) ou de « clubbisation » (Charmes, 2007) des territoires, qui se déploierait ici surtout à l’échelle régionale. Au-delà des questions d’échelles et de types d’espace qui les spécifient, une caractéristique majeure de ces phénomènes, plus usuellement décrits à l’échelle locale, est en effet que le territoire devient « d’abord un objet de satisfaction, et secondairement seulement un objet de communauté et d’attachement identitaire » (Charmes, ibid.). Une géographie des intérêts, en somme.
2. Les mots et les échelles du néo- régionalisme entre sens commun et invention de la padanie
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« such is the wealth of Milan that if it were a country, it would rank as the 28th largest economy in the world - almost as big as Austria ». No Way, revue gratuite de la Compagnie aérienne Easy jet, novembre 2010.
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Padanie promise (Biorcio, 1997) existe-t-elle ? Quel sens cela a-t-il de poser cette question14 ? Le problème des soubassements géographiques du néo- régionalisme est à la fois spécifique, ancré dans un contexte national, et en même temps, il renvoie aux mutations géopolitiques et géoéconomiques européennes. Il mobilise en outre de façon complémentaire et concurrente deux référentiels. D’une part, il met en scène de façon nouvelle les mailles régionales : la Lombardie par exemple est souvent présentée aujourd’hui comme étant « de gabarit national », et cela bien au-delà de la sphère léguiste, comme le montre parmi tant d’autres exemples possibles cette petite phrase mise en exergue par une compagnie aérienne. D’autre part, il s’appuie aussi sur des dénominations usuelles, mais qui se trouvent soudain chargées d’un sens nouveau : le Nord – voire la Padanie –, le Sud, le Nord-Est, etc. tous ces repères, qui sont aussi au demeurant des incontournables dans l’analyse du dualisme économique italien, deviennent ou risquent de devenir, par l’usage qui en est fait, des géographismes aux implications redoutables. Outre l’utilisation, c’est aussi la mise en cause des nomenclatures géographiques usuelles qui est frappante, puisque ce sont les « traits généraux », ceux qui souvent servent de préalables à l’analyse régionale classique, qui se trouvent propulsés sur le devant de la scène.
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Il importe donc de se pencher sur les ressorts de ce lien ambigu et à bien des égards malsain entre problématique néo-régionaliste et référentiel géographique. Comment celui-ci est-il mobilisé, quelle est son importance ? Sans prétendre épuiser le débat, on présentera ici quelques pistes de réflexion, qui militent pour un dialogue interdisciplinaire. Celui-ci semble d’ailleurs bien engagé, tant les convergences sont d’ores et déjà nombreuses entre les disciplines, de la géographie aux sciences politiques, de la sociologie à l’économie, sur ces questions (CIST, 2011).
2.1. Un ou des Nord ?
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La première piste tient à la fragilité relative du substrat padan et à la capacité des sciences sociales, dont la géographie, sinon de déboulonner les fausses évidences qui en sont le matériau, tout au moins de les relativiser. Fragilité car la plupart des observateurs, quelles que soient les disciplines convoquées, s’accordent sur le fait que la Ligue, est avant tout une coalition, au demeurant fort efficace, de localismes disparates (Biorcio, ibid.).Cette tendance de fond, présente dans toute la société italienne et qui renvoie en particulier au rôle des villes dans l’histoire pré unitaire de la péninsule (Galli della Loggia, 1998), est particulièrement forte dans le Nord. À cet égard, pour comprendre la société italienne, même la maille régionale apparaît trop large pour de nombreux auteurs qui estiment le référentiel local plus significatif (Bagnasco, Oberti, 1997). À l’appui de cette thèse, on relèvera aussi que l’« orgueil citadin » a été utilisé par différentes politiques urbaines du Nord comme du Sud dans les deux dernières décennies. La problématique institutionnelle témoigne en retour de la vigueur de ce niveau local, qui vient même faire contrepoids à l’affirmation des régions : la réforme constitutionnelle de 2001 lui reconnaît une égale importance qu’aux régions et à l’État.
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L’exercice, banal en géographie, de la confrontation des cartes montre lui aussi que, au-delà du discours hyper territorialisé qui domine aujourd’hui le débat
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régional, l’Italie et l’italianité, restent des réalités complexes. Par exemple, si on revient sur la diversité linguistique, on note que la territorialité des usages linguistiques (fig. 1d) relève d’une tout autre logique que celle de la Padanie de la Ligue et qu’elle n’épouse pas les clivages économiques majeurs (fig. 1b). Les zones de résistance des dialectes sont aussi bien le nord-est vénitien où il a été conforté par la force des liens de proximité dans l’économie des districts industriels, que les régions méridionales, le nord-ouest, la Toscane et le Latium se raccordant en revanche à un même ensemble dominé par l’usage de l’italien.
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Pour autant, reste que le terme Padanie, sans être continuellement présent, est récurrent dans le discours de la Ligue, même si sa géographie reste souvent implicite et si la référence à « ce monde qui est au-dessus du Pô »15 n’est pas exempte d’ambiguïtés – quid de l’Emilie-Romagne, etc. ? Or celles-ci impliquent, qu’ils le veuillent ou non, les géographes puisque comme le relève S. Conti en présentant à la presse nationale - actualité de la Ligue oblige !- le rapport 2010 de la Société Géographique Italienne, « cette aire existe comme région géographique, comme référentiel usuel, au moins depuis le début du siècle dernier les géographes l’ont définie ainsi »16... Ceci ne fait pas d’eux des léguistes pour autant. Mais on est ici dans le même type de problème que celui posé par l’épineux débat portant sur les « frontières géographiques » de l’Europe17 : utilisée sans nuances et sans débat, la géographie risque à la fois l’instrumentalisation et aussi de donner une bien curieuse vision d’elle-même par la mise en exergue de référentiels datés.
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Une première question est celle des modes de découpage utilisés pour estimer qu’il existe ou non un Nord. Cela renvoie à la hiérarchie des critères de régionalisation, problème géographique classique s’il en est. Par exemple, selon une vision courante (dans la géographie italienne ou française), la plaine padane présentera une certaine unité en tant que région homogène et bien moins en tant que région polarisée. Dans un ouvrage paru il y a un quart de siècle, É. Dalmasso et P. Gabert, précisaient déjà à propos de « la plaine padane et ses prolongements » (1984, p. 129) que si les traits physiques sont pertinents pour décrire les conditions géo-historiques de sa mise en valeur, en revanche « les caractères généraux de géographie humaine existent également mais souffrent de notables exceptions qui justifieront l’analyse régionale ». Certes celle-ci était de toute façon dans les standards obligés de l’époque, mais on peut relever que le constat des deux géographes français n’est guère éloigné de celui de la Société géographique italienne (SGI), pour qui, si on se réfère aux villes, « le Nord est seulement un ensemble de sous-systèmes », qui seraient de l’ordre d’une quinzaine, le seul Piémont se décomposant en quatre sous-systèmes (autour de Turin, Cuneo, Alessandria et le nord du Piémont18). En somme, pour l’heure tout au moins la géographie de la polarisation infirmerait plutôt le discours léguiste. Pour d’autres auteurs à l’inverse, l’un des problèmes posés par la Ligue est plutôt qu’elle soulèverait un « vrai » lièvre, dans le sens où des logiques de complémentarités se dessineraient de façon forte dans le nord du pays.
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Ceci renvoie donc à un second niveau d’analyse : le fait que ce débat sur l’existence ou non d’un référentiel territorial puisse rester ouvert, indépendamment de la Ligue, que ce soit entre les disciplines des sciences économiques et sociales ou à l’intérieur d’entre elles, d’autant que la réponse adoptée sera liée en large part à l’échelle à laquelle on se place. Ainsi, l’existence ou non d’un système urbain padan intégré est depuis fort longtemps objet
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d’études. En témoigne l’application du concept de mégalopole (selon J. Gottman) à l’Italie du Nord (George, 1977), ou encore les fameux débats sur la mégalopole européenne, à laquelle appartiendrait le Nord padan... mais aussi, tendanciellement, Rome (Brunet, 1989). Plus récemment, G. Dematteis (2009) souligne, parmi d’autres, que la forte intégration du système urbain de l’Italie du Nord contraste avec la désorganisation de celui du Sud. En somme, ce qui semblera légitimement éclaté à l’échelle du Nord lui-même peut tout aussi légitimement être vu comme intégré à l’échelle italienne ou européenne ! Par ailleurs, si on revient au rapport de la SGI, S. Conti et C. Salone estiment que, s’il n’existe pas pour l’heure de système padan, cela ne supprime pas l’intérêt de penser le Nord de cette façon, en se plaçant dans la perspective de la city-region d’un modèle anglo-saxon ou rhénan, qui permettrait au Nord italien de mieux s’affirmer sur la scène européenne. Les régions du Centre-Nord se sont d’ailleurs déjà engagées en ce sens, en matière d’aménagement du territoire19. Mais en l’occurrence, le localisme dont la Ligue est un puissant vecteur, ce « modèle de petits et tout petits intérêts » dont le sprawl périurbain serait selon ces auteurs un des signes forts, est contre-productif avec ce besoin de structuration du système métropolitain. Pour exemple, l’aéroport milanais de Malpensa est aujourd’hui durement concurrencé autant par ses propres voisins (Linate, Bergame...) que par Rome.
2.2. Une désolidarisation des deux ou des trois Italie ?
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L’attention aux interrelations entre territoires et aux effets d’échelles, qui caractérise la géographie parmi d’autres sciences, peut elle aussi être utile pour contextualiser la crise léguiste et démonter parfois de fausses évidences. Plus que la géographie régionale classique, soucieuse avant tout de différencier, de délimiter les territoires, parfois jusqu’à l’obsession, c’est alors la géographie du développement régional, soucieuse quant à elle plutôt des relations entre les territoires, telle qu’ont pu la formaliser dans les années 1980 des auteurs comme A. Reynaud (1981) mais aussi, à la même époque, des sociologues comme A. Bagnasco (1977) qui peut encore aujourd’hui offrir d’utiles pistes de recherche.
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Ainsi, dans le prolongement direct de ces travaux, une hypothèse aujourd’hui souvent évoquée pour expliquer l’affirmation de la Ligue est l’amenuisement des logiques fordistes qui, durant les décennies de l’après-guerre, articulaient d’un côté le Nord-Ouest et de l’autre le Mezzogiorno, tant par les logiques de marché (le Sud consommant alors les productions du Nord) que par les logiques productives : que ce soit l’éphémère vague de décentralisation industrielle du début des années 1970 ou encore, sur plus long terme, les flux migratoires liés au marché du travail des décennies du Miracle italien. Une autre hypothèse, évoquée elle aussi par différentes disciplines, est celle que l’Italie léguiste représenterait la forme exacerbée de la Troisième Italie des districts industriels qui ont fait une partie de l’essor économique du Nord-Est dans l’après-guerre (Bagnasco, ibid.), et qui, moins directement dépendantes des mécanismes régulateur de l’État, y sont moins attachés. Encore aujourd’hui, ce Nord-Est réunit « d’un côté une économie flexible et réticulaire avec de fortes ouvertures internationales et des richesses
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produites remarquablement élevées (...) et d’un autre côté une société fragmentée, caractérisée par un corporatisme localiste particulier, vieillie et sous capitalisée en termes de scolarité et de capital humain » (Conti, Salone, 2010 : 21).
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Or, au-delà de la seule perte du lien Nord-Sud, qui peut d’ailleurs être relativisée à certains égards20, au-delà de la distance structurelle entre les districts et l’État, c’est alors plutôt dans le contexte de globalisation et les peurs de déclassement qui lui sont associées, qu’il faudrait chercher en partie au moins les racines de la Padanie et de la « question septentrionale ». Pour n’en prendre qu’un exemple, lorsque le patron de Fiat, firme qui fut l’archétype même de l’entreprise fordiste et le symbole même de l’essor national, déclare qu’aujourd’hui « sans l’Italie Fiat irait mieux21 », on assiste à une rupture de solidarité en cascade, qui joue sur l’équilibre nation région globalisation, et qui affecte par ricochet le territoire sub-national.
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Dans ce contexte, « si » telle ou telle région « jouait en solo » dans la compétition mondiale, irait-elle (encore) mieux ? Peut-elle en quelque sorte récupérer sa mise ? Au-delà de la difficulté intrinsèque à déterminer l’importance de celle-ci, où la question du coût et des bénéfices de la production et de la redistribution nationales renvoient à des problèmes complexes 22, il ne s’agit pas là d’une pure fantaisie géopolitique puisque M. Foucher (2007) comme L. Davezies23 relèvent à quel point, loin d’effacer les frontières, la mondialisation actuelle s’accompagne de la création de nouvelles entités étatiques, le plus souvent de petite taille. Reste que sur le plan de l’efficacité économique, si tant est qu’une nation se forme seulement sur de telles bases, les avantages de telles solutions ne vont pas forcément de soi. Il est d’ailleurs révélateur que le grand patronat italien ait pris fréquemment position contre les thèses de la Ligue. Toujours est-il que cette hypothèque, qui pèse en Italie comme en Belgique sur le débat régional, est aussi un défi pour les sciences sociales, pour leur capacité à penser ces nouvelles articulations d’échelles.
2.3. La guerre est-elle finie entre géographie régionale et politique ?
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Au final, le cas italien est, parmi d’autres, porteur d’un renouveau pour la discipline géographique, qui doit en permanence se confronter à une demande sociale.
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À cet égard, on se souvient, en France, du tournant que fut, dans les années 1970, la parution de La géographie ça sert d’abord à faire la guerre d’Y. Lacoste, ouvrage qui dénonçait particulièrement « cette discipline bonasse et fastidieuse » qu’était selon lui... la géographie régionale. L’écho du tremblement de terre salutaire qui secoua alors la discipline fut ressenti aussi en Italie, puisque P. Coppola, lui-même porteur d’une démarche de géographie engagée, aux antipodes de la tradition dominante des monographies régionales et locales, en assura la diffusion (Lacoste, Coppola, 1989 ; BAGF, 2009).
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Cette remise en cause radicale fut, avec d’autres débats contemporains, l’occasion de bifurcations importantes au sein de la géographie, et d’un notable élargissement de son champ d’analyse. Or force est de constater, sans entrer dans
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les évolutions spécifiques de la géographie régionale, de la géographie politique ou de la géopolitique, que la gymnastique intellectuelle qui s’est créée, durant ces années aujourd’hui lointaines, celle d’une géographie attentive à sa propre utilisation par le politique, celle aussi d’une discipline revendiquant sa compétence en matière d’articulations d’échelles, de décryptage des représentations du territoire etc., celle en somme d’une géographie s’assumant comme une science inscrite dans son siècle, tout ce bagage est désormais transversal aux différents courants de la géographie. Il est alors devenu impossible, et ce bien au-delà de la seule géopolitique, « d’occulter le lien fondamental entre pouvoir et espace » (Rosière, 2007).
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Il est patent aussi que la géographie régionale tout particulièrement, une partie d’entre elle tout au moins, s’en est trouvée profondément modifiée, revivifiée dans ses attentes comme dans ses fondements épistémologiques. En témoigne, en particulier pour l’Italie, l’ouvrage collectif sur la Geografia politica delle regioni italiane (Coppola, 1998) dont l’investigation annonce celle entreprise en 2010 par la Société italienne de Géographie et qui s’est poursuivie en 2011, au sujet du Sud.
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En somme, on peut l’espérer en tout cas, la géographie a tout intérêt à assumer le fait que cette guerre, qui fut sans doute utile, est aujourd’hui périmée.
Conclusion
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La Lombardie sera-t-elle un jour un État ? Ou la Padanie, quelles qu’en soient les frontières ? Ou encore, hypothèse la plus vraisemblable, restera-t-elle cette sécession silencieuse qui joue en sourdine dans le débat politique et institutionnel italien ? Cette interaction complexe entre dynamique institutionnelle, nouvelles formes de régionalisme et questions territoriales définit en permanence de nouveaux champs pour la géographie et participe aujourd’hui de son utilité tant scientifique que sociale. En effet, au-delà de sa réflexion sur le concept même de région, celle-ci est, certes de façon non exclusive, l’une des mieux armées pour mettre en interrelation les questions géopolitiques et institutionnelles avec les logiques socio-économiques et culturelles : superposer les cartes, montrer les recoupements ou les non recoupements, entrer dans les articulations d’échelles qui jouent à l’arrière-plan du débat, tout cela est aujourd’hui nous semble-t-il une de ses fonctions essentielles. Par ailleurs, cette problématique milite aussi pour un dépassement des bornes interne à notre discipline, non seulement entre géographie régionale et géographie politique mais aussi entre la géographie urbaine et régionale tant, par-delà les échelles, le niveau local et le niveau régional apparaissent aujourd’hui affectés par des logiques de décohésion en partie similaires.
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Notes
1 Les concepts de régionalisation et régionalisme se prêtent à différentes acceptions. On entendra ici par régionalisme un mouvement d’idées en large part porté par le politique, et se revendiquant de la défense de problématiques explicitement territorialisées, ici régionales. On entendra par régionalisation, le processus de reconnaissance institutionnelle de la région, qui a une double dimension. Elle concerne en premier lieu le découpage territorial, que celui-ci soit à simple à visée statistique – comme c’est souvent le cas initialement- ou obéisse à une visée plus large de programmation de l’action publique. Elle implique enfin, et c’est ici le cas le contenu institutionnel, le degré d’autonomie, le type de compétences, etc. dévolu à la maille régionale : elle s’inscrit alors dans un processus de décentralisation qui, en Italie, implique aussi le niveau local. Enfin, la régionalisation à l’échelle planétaire, en l’occurrence la construction européenne, contribue indirectement (par la relativisation de l’échelle de l’État nation) et directement, à la régionalisation infranationale : les régions sont les unités privilégiées par la politique européenne de cohésion et, en Italie, elles en sont les autorités de gestion (contrairement au modèle français, plus marqué par la déconcentration).
2 La secessione che (per ora) non c'è, G. Fedel, Corriere della Sera 14 novembre 2010.
3 En réponse à Gianfanco Fini (lors de la rupture de ce dernier avec le gouvernement Berlusconi) pour qui la Padanie est « une invention propagandistico -lexicale ».
4 En Europe centrale et orientale, les mailles régionale et départementale ont fait l’objet d’une refonte souvent importante, dans le cadre du changement de régime et de l’entrée dans l’Union européenne, mais leur contenu institutionnel reste limité (Rey, 2004).
5 Ce terme est, au sens strict, impropre dans le cas de l’Italie qui ne dispose pas d’une représentation des Régions dans les plus hautes instances de l’Etat. Lors de la Constituante de 1948, la Démocratie Chrétienne et les partis de gauche s’accordèrent pour éviter que le Sénat ne devienne l’expression directe des régions même si elles en sont la circonscription électorale de base. La question d’un Sénat des régions fut à
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nouveau évoquée au milieu des années 1990 – débats de la bicamerale – mais fut marginalisée par rapport à la question fiscale. Le terme domine néanmoins le débat public italien des deux dernières décennies. Celui-ci a utilisé également l’anglicisme devolution, en inspiration du modèle écossais.
6 L’Intervention extraordinaire dans le Mezzogiorno disparaît au début des années 1990, au moment même où la Ligue du Nord émerge comme force politique et elle a joué un rôle actif dans cette disparition (Rivière, 1997).
7 Déclaration du 11 septembre 2008.
8 Elle a joué aussi, parmi d’autres causes, dans la floraison des mailles provinciales (Ferlaino, Molinari, 2009).
9 Cette préoccupation budgétaire peut d’ailleurs aller contre le principe d’autonomie fiscale : ainsi, aujourd’hui la rigueur s’accompagne d’une certaine recentralisation des nouveaux impôts.
10 Au printemps 2012, le scandale suscité par la mise en cause d’Umberto Bossi pour détournement de fonds a plongé la Ligue dans une difficile restructuration.
11 La Repubblica, 22 juin 2010.
12 En 1997, la Ligue avait organisé un « sondage » à connotation référendaire sur la sécession dans 9 régions du Nord, du val d’Aoste jusqu’à l’Émilie-Romagne, mais avec des questions différentes selon les contextes. Autre configuration, au printemps 2012, l’hypothèse du remplacement de la direction monocéphale de la Ligue par une sorte de triumvirat régional - probablement vénitien, lombard et piémontais - fait partie des pistes de restructurations de la Ligue - en l’occurrence celles de l’ex-ministre Maroni. La Repubblica, 15 mai 2012.
13 Il s’exprime à propos de l’écroulement de la Maison des gladiateurs qu’il met en parallèle avec le besoin de financement lié aux inondations qui ont eu lieu en 2010 en Vénétie.
14 Même si l’on estime que la géographie régionale peut s’engager dans le débat, ce serait une erreur de lui accorder trop d’importance ! En effet, que ce soit pour la Ligue du Nord - la Padanie est mise en avant ou rangée dans l’arrière-cuisine de son discours au gré de ses besoins - ou d’une façon plus générale dans la problématique institutionnelle, le territoire est rarement au premier plan : dans un contexte dominé par l’affirmation des mailles préexistantes, leur éventuelle refonte n’est qu’une dimension secondaire du débat. Cela a été vrai lors de la première régionalisation de 1948 (Muscarà, 1968), et cela le reste aujourd’hui (Rivière, 2004, 2006).
15 Umberto Bossi, La Repubblica, ibid.
16 Sergio Conti, dans La Repubblica, ibid.
17 Éric Glon, Patrick Picouet, Quelle est cette géographie qui exclut la Turquie de l’Europe, Le Monde, 31 décembre 2004.
18 Pour E. Dalmasso, la vie urbaine et industrielle de la plaine padane dessine « une région turinoise et une région milanaise (auxquelles) correspond, plus à l’est, un espace où le polycentrisme l’emporte » (ibid, p. 133).
19 La Charte de Venise de 2007 réunit 7 régions « padano-alpines-maritimes » et les provinces autonomes du Nord-Est. Guarigno, Colloque de l’AGI, Geografie d’Italia e d’Europa, Rome, Universita Tor Vergata, 27/05/2011.
20 Par exemple, les flux migratoires Sud-Nord, qui avaient enregistré une perte d’ampleur dans les années 1980 et 1990, ont repris, touchant cette fois les jeunes diplômés, ce qui va d’ailleurs plutôt à l’encontre de la thèse d’une distance culturelle entre Nord et Sud : c’est précisément l’aspiration à des conditions de travail « normales » (définies à l’échelle nationale) qui pousse ces jeunes à quitter le Sud (Svimez, 2010).
21 Cité dans Le Monde, 27 octobre 2010.
22 Il est d’ailleurs significatif que les travaux sur ces sujets se soient développés dans toute l’Europe ces dernières décennies. Il en ressort d’un côté que les effets de redistribution liés à la présence de l’État-Providence se retrouvent, à des degrés divers, dans tous les pays européens (Com, 1996, 2010), elles sont même une des bases
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Figure 1 : la question régionale italienne (mailles, PIB/hab., vote Ligue du Nord, usages linguistiques)
Crédits Source : ISTAT 2007, 2011. © Rivière D.
URL http://tem.revues.org/docannexe/image/1889/img-1.jpg
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Pour citer cet article
Référence électronique Dominique Rivière, « Régions, néo-régionalisme, quels enjeux pour la géographie ? », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 16 | 2012, mis en ligne le 01 novembre 2014, consulté le 31 octobre 2017. URL : http://tem.revues.org/1889 ; DOI : 10.4000/tem.1889
Cet article est cité par
Rivière, Dominique. (2016) Réforme territoriale à l'italienne : d'une géographie des intérêts à une géographie de la rigueur. EchoGéo. DOI: 10.4000/echogeo.14483
Salone, Carlo. (2013) Città e regioni in Italia negli anni della « crisi ». Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée. DOI: 10.4000/mefrim.1372
Auteur
Dominique Rivière UMR Géographie-cités Université Paris-Diderot, Immeuble Montréal, 105 Rue de Tolbiac, 75013 Paris Dominique.riviere@univ-paris-diderot.fr
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